En présence de 180 étudiants signataires, encadrés par 20 des membres de l’équipe porteuse du Manifeste étudiant pour un réveil écologique.
Pour réagir à leurs propositions, des représentants de Engie, Sanofi, Kering, Schneider Electric et le MEDEF étaient présents. Du côté des écoles, l’ESCP Europe, l’ENSTA ParisTech et Polytechnique étaient représentés. Enfin étaient présents Mr. François de Rugy, Ministre de la Transition écologique et solidaire, Mme. Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche, et de l’Innovation, et Mme. Brune Poirson, Secrétaire d’Etat à la Transition écologique et solidaire.
Constats généraux
- L'urgence environnementale et climatique est absolue. Les seules limites que nous devons considérer comme insurmontables sont celles de notre planète. Il faut travailler activement à lever les autres freins ;
- L'ensemble des acteurs (public, privé, citoyens et consommateurs) n'en fait aujourd'hui pas assez. Même les limites de notre système actuel nous laissent une plus large marge de manœuvre que celle qui est exploitée aujourd’hui ;
- Il est nécessaire de penser l'évolution de manière systémique, en cessant de se renvoyer la balle de la responsabilité, entre pouvoirs publics, entreprises et structures du privé, citoyens et consommateurs ;
- Une part grandissante des étudiants sont prêts à questionner leur zone de confort pour participer activement à cette évolution.
Sur l'enseignement supérieur
Par défaut, les étudiants n’ont pas de formation aux enjeux climatiques et écologiques. Ceux qui ont une formation axée sur ces thèmes se sentent marginalisés, et ne voient pas de débouchés d’emplois. La demande de formation est cependant de plus en plus forte. Ce qui est requis pour que la société entière puisse se transformer :
- La généralisation d’une base de connaissances à toutes les formations d’enseignement supérieur. C’est nécessaire pour établir un langage commun, quel que soit le domaine d’étude choisi : bases scientifiques robustes, bases plurielles sur les sciences économiques. Il faut donner aux élèves un recul critique sur ces enjeux, qui soit exploitable dans leur vie d’actif et de consommateur. Double rôle de la formation : généraliser la prise de conscience et donner des outils de compréhension adaptés, solides et partagés ;
- Les labels des formations, les classements des établissements doivent prendre en compte la présence ou non d’une formation de ce type dans les programmes. La concurrence ne doit plus se faire sur le salaire des étudiants à la sortie ;
- L’environnement d’étude doit être mis en cohérence avec les enjeux écologique et climatique : présentation des employeurs, environnement du campus qui incite à des gestes responsables ;
- Développer la recherche dans ces domaines, former également le corps des enseignants-chercheurs ;
- Encourager la coopération des étudiants, des professeurs, du personnel dans cette évolution. Mettre en relation les différents établissements autour de cette transition.
Sur les entreprises
Mobiliser les collaborateurs, employés et cadres en entreprise autour de la question écologique
Nous ne pouvons pas attendre la nouvelle génération pour avoir des décideurs formés aux enjeux environnementaux et climatiques. Les clefs de compréhension du problème manquent aux décisionnaires qui n'ont pas été formés sur ces sujets souvent complexes.
- Penser l’établissement de formations internes complètes qui ne se contentent pas d'énumérer les Objectifs de Développement Durable mais posent clairement le problème, de façon systémique ;
- Généraliser ces formations à tous les salariés permettra également de faire évoluer la prise de conscience de la population française ;
- Remettre de la cohérence au sein des entreprises : Cohérence entre la stratégie globale de l’entreprise et les impulsions aux différentes échelles. Les bonnes volontés en entreprise pour agir en faveur de l’environnement ne manquent pas. Des initiatives naissent à tous les niveaux (initiatives personnelles, impulsion du département RSE...), qu’il faut organiser entre elles. Il faut créer des espaces pour que ces acteurs moteurs puissent s’exprimer et enclencher un mouvement au sein de l’entreprise.
Maintenir une cohérence entre les objectifs de l’entreprise et l’urgence écologique
Les stratégies d’entreprises dans l’ensemble n’intègrent pas suffisamment les enjeux environnementaux.
- Généraliser la comptabilité en triple capital : c'est la prise en compte des externalités et internalités de l’activité des entreprises, et le fait d’appliquer aux capitaux naturel et social le principe de préservation du capital financier. Coupler cela avec une intervention ferme de l’État, avec des incitations et pénalisations économiques ;
- Développer des outils de classement lisibles et accessibles des entreprises selon leur impact environnemental, leurs émissions de carbone, la cohérence de leur politique interne.
Quel business model pour la sobriété ?
Ces deux termes sont contradictoires, business model ne définit le but d’une entreprise que par sa rentabilité. Il faut redonner aux entreprises une raison d’être sociale avant économique.
- Les profits seront moindres pour les actionnaires mais d’une part cette perte est compensée par une utilité sociale. D’autre part le profit rétribue un risque pris par l’actionnaire, risque qui n’existe aujourd’hui plus vraiment.
Cette évolution peut être encouragée par d’autres acteurs :
- L’Etat : sanctions économiques envers certains acteurs qui ne “jouent pas le jeu » ;
- Les consommateurs : pousser à la sobriété : économie sur les déchets ; recyclage ; quota de CO2 par personne. Cela pose la question de l’acceptation d’une limitation des libertés à consommer, d’une baisse de notre niveau de vie. Pour cela, la première étape est celle de la sensibilisation, qui détourne des habitudes de consommation de masse. Cette sensibilisation est la responsabilité de l’éducation mais aussi des entreprises.
Concilier long terme et court terme
Les entreprises possèdent une vision stratégique de court terme qui est, dans l’état actuel des choses, souvent incompatible avec les enjeux de long terme. Ainsi, l’écologie est vue comme pénalisante pour la compétitivité à court terme, alors que c’est un facteur indéniable de compétitivité (car de résilience et d’attractivité pour les jeunes diplômés) à long terme.
L’absence d’indicateur permettant d’évaluer la prise en compte des enjeux de long terme pose problème. L’État n’intègre pas suffisamment ces questions sociales, écologiques et climatiques dans les régulations qu’il met en place.
- Acculturer les acteurs économiques et financiers aux questions écologiques ;
- Concevoir un indicateur écologique et social qui rende impossible le fait qu’une entreprise qui accroît le PIB mais a de forts impacts néfastes soit valorisée. Faire en sorte que cet indicateur soit utilisé largement et pas de façon marginale ;
- Rôle clé des critères de notation extra-financiers, qui doivent être développés et devenir la norme. Flécher les investissements selon ces critères, pour favoriser les projets qui intègrent les impératifs de long terme ;
- Penser la transformation écologique comme une démarche proactive, poussant à l’action positive. Besoin pour cela d’une vision systémique, d’une réglementation incitative.
Sur les consommateurs
Passer de la sensibilisation à l’action pour les consommateurs
Les entreprises et les gouvernements ont un rôle clé dans l’incitation des consommateurs à s’engager dans la voie de l’écologie. Plus que culpabiliser les consommateurs il faut les responsabiliser et inclure toutes les parties prenantes. Il y a un réel besoin de donner aux consommateurs des outils permettant un recul critique sur l’impact de leur mode de vie :
- La transparence des chaînes de production et des démarches de responsabilisation des consommateurs, même s’ils ne peuvent évidemment pas être les seuls acteurs du changement ;
- Un changement du récit qui est diffusé par les entreprises : cesser d’inciter à la surconsommation et de présenter la sobriété comme terne.
Cesser de se renvoyer la balle entre les différents acteurs
Nous avons identifié les blocages pour chaque acteur. Rentabilité et compétitivité pour les entreprises, mondialisation et lobby pour les Etats...
Créer des espaces de dialogue sur la transition écologique :
- Commencer par définir une liste exhaustive des responsabilités de chaque sphère au niveau national et d’en prendre conscience. Le rôle de la puissance publique est de réglementer ces exigences ;
- Il faut aussi imposer une exigence de transparence au niveau de tous les acteurs, politiques et économiques.